En pleine crise des visas pour les jeunes footballeurs vers la France, voici le témoignage d’un entraîneur béninois né en Côte d’Ivoire et qui a su s’expatrier en France et a su revenir quand c’est devenu dur. Il nous parle de son expérience et évoque la clandestinité des jeunes footballeurs, proposant même des pistes de solution pour résolution de la crise depuis le tournoi de Montaigu. Lire interview.
Réalisée par Aubay
Comment êtes vous allé en France ?
J’ai commencé au stade d’Abidjan où j’ai été entraîné par Wabi Gomez. J’ai fait 10 ans dans le club. A un moment donné, on n’a pas voulu me faire partir, mais j’ai insisté, car j’avais des amis et des frères en France qui pouvaient m’aider.
Vous avez donc tenté une aventure…
Vous savez, c’est une époque où il n’y avait pas la loi sur l’émigration des moins de 18 ans en Europe. Ensuite, j’ai été confié à un journaliste béninois et un entraîneur burkinabé. J’ai été formé à Tours, puis je suis passé dans la catégorie d’aspirant puis je suis devenu pro. Le club de Tours une fois relégué en D3 n’avait plus son statut professionnel et ne pouvait donc plus assurer des revenus conséquents. C’est là où les choses se sont compliquées.
Quand les choses sont devenues difficiles, vous avez voulu rentrer ?
Je ne cache pas que j’ai été clandestin à un moment donné…
Est-ce une tentation forte pour les jeunes footballeurs de rester malgré tout en Europe, même quand le foot ne marche plus ?
Ceux qui reviennent en Afrique ne disent pas la vérité. En réalité, personne ne peut se sentir bien dans un pays où il n’a pas de papiers ou de revenus fixes. Moi je ne peux pas conseiller à un jeune de partir pour le foot, quand rien n’est sûr. Car vous perdez tout. On est bien dans son pays. Et c’est seulement quand vous avez des papiers réguliers et un permis de travail que vous pouvez espérer réussir.
On parle de clandestinité et d’aventure, ça tombe bien. Ça fait un an qu’un jeune béninois a fugué au tournoi de Montaigu en France et ça provoque beaucoup de dégâts.
Nous, au niveau du Centre Tanéka, il y a quelques années nous sommes rendus en France, à Nantes précisément pour un tournoi, avec 15 jeunes. Dès que l’invitation nous est parvenue, j’ai récupéré les documents chez le président et j’ai mis un mois à préparer psychologiquement les jeunes joueurs. Je leur disais de ne pas écouter les gens qui leur diront de faire ceci ou cela une fois en France. Si vous le faites, c’est fini pour vous et votre carrière leur disais-je. Il faut revenir et repartir avec les papiers nécessaires et comme cela, vous ferez une belle carrière. C’est ce genre de discours que je leur tenais à chaque fois. Ceci les amenait à me rapporter les propos de certains de leurs proches qui leur conseillaient de fuguer par exemple. Et après la compétition, nous avons eu une semaine à Paris où pour certains la tentation était forte. Mais je leur disais que la vie n’y était pas aussi belle. Nous sommes ainsi revenus avec tous les 15 joueurs.
Selon vous, les dirigeants qui étaient à Montaigu l’an dernier ont-ils manqué de chance avec ce jeune?
Je ne parlerai pas de chance, mais d’organisation. Est-ce que ceux qui ont accompagné les enfants ont pu les préparer à cela pour les convaincre de ne pas filer ? C’est la question que je me pose.
Là, on reparle de Montaigu et justement du Béninois qui a pu décrocher cette participation. Dans quel état d’esprit est-il après cette aventure ?
Il s’appelle Loko Joseph. Après le retour des jeunes Ecureuils, il est venu au centre, à Natitingou en arguant une visite de courtoisie…Mais en réalité, il voulait voir si ce n’était pas le jeune de notre centre qui avait fugué ! Ensuite, on a discuté et il s’est dit très déçu de la façon dont les choses se sont passées à Montaigu. Enfin, il m’a dit qu’avec cette façon de faire et la fugue du jeune béninois, que c’est sûr que ce sera difficile pour un jeune footballeur béninois d’avoir un visa. Il m’a dit qu’il avait perdu, en tant qu’intermédiaire, toute crédibilité auprès de ses partenaires français. Et là, il a été clair qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour que ce ne soit plus aussi facile d’obtenir des visas. Voilà, c’est dommage. Et je crois que c’est un monsieur avec qui il faut discuter.
Que faut-il faire ?
Je crois que personnellement je vais le contacter et l’amener à de meilleurs sentiments. Je vais tenter de créer un pont. Je vais en discuter à nouveau avec lui, car il est très touché.
Pour vous qui êtes depuis plusieurs années dans un centre de formation, comment vivez-vous la crise qui touche le football?
C’est une crise qui est venue, quoi qu’on dise, bloquer l’ascendance du football béninois. Et elle n’arrange personne, même pas ceux qui l’animent. Les joueurs sont dans le gouffre et je me demande même si on pourra les récupérer si le championnat reprenait. Il faut que les gens apprennent à travailler ensemble au Bénin. Je souhaite vivement que ça cesse.
Réalisée par Aubay