Un peu plus d’un an après son arrivée à la tête du Bénin, Gernot Rohr (70 ans) vit une cinquième expérience en tant que sélectionneur après le Gabon, le Niger, le Burkina Faso et le Nigéria. Médaillé de bronze à la Can 2019 et Mondialiste en 2018 avec les Super Eagles, l’ancien défenseur franco-allemand n’est plus un novice en Afrique. Mais, avec son bilan de dix matches sans victoire (sur le terrain) avec le Bénin, le technicien conduit un projet de rajeunissement de l’équipe béninoise tout en étant en course sur deux tableaux de qualifications au Mondial 2026 en cours et Can 2025 à venir. L’ancien bordelais nous a accordé un entretien exclusif où il se confie sur sa mission avec les Guépards, ses choix, son analyse de l’effectif et les rendez-vous à venir. Entretien.
Vous avez entraîné au Gabon, Niger, Burkina Faso et Nigéria en Afrique, vous avez une bonne connaissance du foot continental pourquoi la première victoire avec le Bénin prend autant de temps à venir ?
Depuis la fin mars 2023, il y a eu que dix matches dont deux à domicile et une seule victoire 3-0 contre le Rwanda. Une victoire quand même elle compte, dans le classement Fifa même si elle est obtenue sur tapis vert.Avec pas mal de matches nuls et je dirai deux victoires « morales » qui était le nul 1-1 contre le Sénégal à Cotonou en juin 2023 et celui récemment obtenu contre la Côte d’ivoire. Tous les résultats étaient serrés. Des 1-2, 0-0, 1-1. Tous les matches à un but d’écart, c’était vraiment serré. Dix matches en un an ce n’est rien. Sur les dix , il y a eu six matches de compétition avec les quatre qui restaient à faire en qualifications de la Can 2023 et les deux matches des qualifications du Mondial 2026 disputés loin de nos bases en Afrique du Sud et au Lesotho.
Qu’est-ce qui vous a motivé à accepter la mission de venir au Bénin en sachant que vous reprenez une équipe sur une fin de cycle avec un vivier en cours de construction et dans une spirale loin d’être positive ?
On a accepté la mission au Bénin parce que c’était un gros challenge. Il fallait reconstruire une équipe avec beaucoup de joueurs âgés, en fin de carrière, des garçons qui avaient beaucoup de mérites pour le football béninois notamment en 2019. Mais, ils étaient arrivés en fin de parcours. Ce challenge, j’ai dit que cela va être très difficile mais c’est ça m’intéresse.
Vous avez lancé une dizaine de joueurs en sélection nationale, expliquez-nous votre démarche dans l’incorporation de ces jeunes ?
Nous avons intégré des jeunes joueurs, une douzaine de nouveaux joueurs. Je compte aussi Andréas Hountondji qui est un binational et récemment le jeune Lenny Pirringuel plus tous ces jeunes qu’on a trouvé au pays en équipe nationale U20 qui avaient fait un bon parcours à la Can 2023 en Egypte. On avait un peu regardé ces matches-là pour rebâtir une équipe.
Vous avez fait des choix forts comme celui d’écarter les « anciens » qui a été un peu incompris, Jordan Adéoti, Khaled Adénon, Cèbiou Soukou, ce dernier a même fait une sortie récemment à votre sujet…
Les anciens ? Forcément 29 ans, 38 ans, 35 ans, 31 ans à un moment donné c’est difficile à accepter pour les garçons mais c’est la fin de la carrière. Il faut donner la place aux jeunes. Nous avons des jeunes locaux et c’est un plaisir de leur donner leur chance. Même normalement l’équipe du Chan devrait être là pour organiser en aval et en amont les choses.
« Les différentes organisations, 4-3-3 , 3-5-2, 5-3-2, 5-4-1, on a cherché un peu la bonne solution avec les joueurs qui étaient à notre disposition. Et on est arrivé à trouver une organisation qui tient la route et on l’a vu récemment. »
Parlons de jeu, vous avez essayé de jouer avec une défense à trois et puis finalement vous êtes revenus en 4-3-3, pourquoi ce revirement tactique ?
L’organisation tactique a été comme il le faut pour se connaître et dix matches en un an ce n’est pas beaucoup. Il faut du temps dans le football. Donc il faut essayer dans les matches amicaux. Les différentes organisations, 4-3-3 , 3-5-2, 5-3-2, 5-4-1, on a cherché un peu la bonne solution avec les joueurs qui étaient à notre disposition. Et on est arrivé à trouver une organisation qui tient la route et on l’a vu récemment.
Vous avez utilisé Junior Olaitan comme ailier sur les derniers amicaux de mars, alors qu’il était attendu comme votre meneur de jeu…
Parce qu’il est capable de rentrer sur son pied droit et d’être très dangereux comme il l’a prouvé contre la Côte d’ivoire en étant double buteur. Sur corner de la gauche et une contre-attaque où il venait d’une position très basse pour aller dans l’axe. Et aussi il peut aller derrière les deux attaquants qui étaient Steve Mounié et Andréas Hountondji pour les alimenter en ballon.
Vous avez instauré un turn-over entre les gardiens du moins sur les matches amicaux entre Marcel Dandjinou et Saturnin Allagbé, c’est une grande première en sélection du Bénin…
Nous avons un problème de gardien de but dans la mesure où Allagbé joue très peu en réserve à Dijon. On avait essayé Dandjinou contre le Madagascar en amical c’était un peu malheureux pour lui. Et là il revient bien. Il fait tous ces matches avec son club en Afrique du Sud. Nous avons décidé de lancer une école de gardiens qui commencera très bientôt.
L’un de vos choix forts a été celui d’attribuer le brassard de capitaine à Steve Mounié, pourquoi c’est lui qui été choisi et quelle est la hiérarchie des capitaines désormais en sélection béninoise ?
Parce que Mounié en a exactement le profil. C’est le seul titulaire que nous ayons la plus part du temps en Ligue 1 française. C’est le seul qui puisse prétendre être le leader de l’attaque. Il est entrain d’apprendre ce rôle. Je suis persuadé que d’ici quelque temps il aura bien compris tous les à-cotés de ce rôle. Il est en train de faire preuve d’une bonne autorité à ce niveau. Il est entouré des anciens qui sont toujours là. Allagbé, Cédric Hountondji fait partie aussi de comité avec Jodel Dossou.
« Il y a aura certainement un nouveau joueur local qui viendra saisir sa chance, je l’espère pour les deux prochains matches à Abidjan contre le Rwanda et le Nigéria. »
Vous êtes actuellement sur le territoire béninois, vous n’avez hésité à intégrer des joueurs locaux, quel regard portez-vous sur le niveau du championnat local ?
Je suis de très près le championnat avec Moussa Latoundji et on a vu de la qualité. On ne s’est pas gêné pour prendre des joueurs de cette Super Ligue. Je suis aussi en France pour suivre les joueurs. J’étais en Egypte dernièrement pour voir Imourane Hassane et Dodo Dokou dans leur club.
Dans le contexte actuel, est-ce qu’il y a des joueurs locaux qui frappent à la porte de la sélection A sur le prochain regroupement par exemple ?
Il y aura encore des joueurs locaux qui auront leur chance. On a vu cinq ou six matches depuis deux semaines. On continuera encore. Il y a aura certainement un nouveau joueur qui viendra saisir sa chance, je l’espère pour les deux prochains matches à Abidjan contre le Rwanda et le Nigéria.
Comme on disait, vous avez parcouru un peu l’Afrique, qu’est-ce que vous appréciez au Bénin dans la vie quotidienne depuis que vous nous côtoyez ?
J’aime ce pays parce que les gens sont sympathiques. Il y a une belle hospitalité, un cadre de vie agréable, la passion du football, le respect et il y a encore une liberté que j’apprécie. Ici il y a une stabilité et les sportifs peuvent s’exprimer correctement et sont soutenus. On a un nouveau ministre sport Monsieur Benoit Dato qui est aussi là pour apporter son dynamisme, sa rigueur. Nous avions Oswald Homeky qui m’avait demandé de venir bâtir cette équipe avec une mission de trois ans.
Si vous devez dresser un bilan sur votre première année à la tête des Guépards ?
Sur les trois ans, après un an et dix matches ce n’est pas encore le moment de tirer un bilan. Je crois que nous sommes sur la bonne voie comme l’ont prouvé les deux derniers matches. On a accroché deux fois le champion d’Afrique en titre. Ils n’ont pas réussi à nous battre et on a failli faire la même chose face au Sénégal. Il nous a manqué un peu de réussite. Mais la réussite, elle va se provoquer et nous sommes persuadés qu’elle va arriver.
« La Coupe du Monde 2026 est toujours un objectif. On a envie de faire de notre mieux pour saisir notre chance. »
En peu de temps, vous avez réussi à convaincre des binationaux comme Pirringuel, gros espoir de Bordeaux, quel discours vous tenez à ces jeunes joueurs sur votre projet avec le Bénin ?
Les binationaux peuvent apporter quelque chose dans la mesure où ils sont vraiment motivés. C’est le cas avec Andréas Hountondji, j’espère que ça sera le cas avec Pirringuel qui avait fait toutes les sélections de jeunes pour la France mais qui n’a pas beaucoup de temps de jeu dans son club. Le choix de l’intersaison sera important pour ce joueur.
Avant le prochain stage prévu à Abidjan selon nos infos, quel bilan faites-vous de vos deux derniers matches en France face à la Côte d’ivoire et le Sénégal ?
Les deux derniers matches étaient très interressants. On a vu qu’on était pas loin des meilleurs et que les joueurs se sont bien battus, se sont bien trouvés. On a eu dans chaque match des occasions de but. Sur le deuxième on a pas marqué. On a raté un pénalty et on a eu un poteau. Le contenu était très bien, encourageant avec les deux matches qui vont venir en juin.
A votre arrivée, vous avez mis le curseur haut en visant le Mondial 2026, avec un point en deux journées la mission semble déjà complexe…
La Coupe du Monde est toujours un objectif. On a envie de faire de notre mieux pour saisir notre chance. Personne ne savait qu’il y aurait des équipes et le premier et le deuxième via des barrages pour se qualifier. On y croit, on est ambitieux. Les deux derniers matches nous permettent de regarder avec optimisme devant devant nous.
Pour terminer cet entretien, si vous avez un dernier mot, on vous écoute…
Je veux remercier tous ces supporters qui nous encourage. Malheureusement on ne pourra pas les retrouver pour les deux matches qui devraient être à domicle mais notre stade n’est pas pret. On sera à Abidjan. J’espère qu’il y aura quelques uns qui vont nous soutenir. Les jeunes ont besoin du soutien de leur public. Loin de nos bases sur les dix matches, c’était le cas, huit fois. On est aussi capable de faire de bonnes choses.
Entretien réalisé par Géraud Viwami