Dans la 3e semaine de crise, l’interview de Martin Adjagodo, ancien président de la fédération, vient comme pour clarifier les rôles. Entre Ajavon, Anjorin, le ministère des sports et les différents acteurs du football, chacun est remis à sa place.
Il y a quelques jours maintenant, vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a une crise au sein du comité exécutif de la fédération béninoise de football, vous devez avoir votre réflexion sur cette situation. D’abord est-ce que cette situation vous surprend ?
Martin Adjagodo : Honnêtement, non. Je n’ai pas peur de dire la vérité, vous le savez, et je suis gêné de quelque chose, on n’a pas besoin d’en arriver là. Cette crise pouvait être épargnée dans la mesure où le Bénin n’est pas encore une nation au sommet du football donc logiquement il n’ya pas encore de points de bataille. Si nous avons des compétitions, nous avons des enjeux auxquels on participe, voilà des points de batailles au sein de la structure d’organisation.
Aujourd’hui, la crise est là, certainement que vous l’aviez prédit ?
Je l’ai prédit, mais ceux mêmes pour qui je l’ai prédit ont mal pris ça, je veux parler du président Ajavon que je respecte beaucoup. Il n’avait pas compris le sens de mon message quand je le lui disais il y a un an ; il n’a pas vu tous les aspects. Aujourd’hui, il a vraiment mal, il en souffre.
Vous avez été président, vous avez vécu avec ces personnes avec qui il se trouve, rafraîchissez-nous un peu la mémoire. Est-ce que vous pensez qu’Ajavon a de sérieuses raisons de quitter les affaires en ce moment ?
Vous voulez ma confirmation, mais je n’étais pas dans ce milieu, je ne suis plus dans ce milieu, je n’étais pas avec eux donc je ne suis pas bien placé pour connaître tout ce qu’ils ont traversés pour en être là aujourd’hui. Je connais très bien les deux. Pour vous dire la vérité, on ne gère pas le football par crise ou raisons épidermique. Je connais mon ami Anjorin, le président que je respecte beaucoup, il a souvent des réactions épidermiques et ça finit là. C’est un acteur du football, et malheureusement pour lui, ceux qui en sont les auteurs et qui l’ont entraîné dedans ne sont pas conscients de cela. Et je suis sûr que vous reviendrez la dessus parce que c’est profond ce que je dis.
Mais, vous avez vécu avec Moucharaf Anjorin, chaque fois on entend mauvaise gestion, gestion solitaire, ou a une assemblée générale, c’est le compte financier. Est-ce qu’en votre temps vous l’aviez vécu ?
Non, moi, je ne l’ai jamais vécu, je ne lui ai jamais confié la gestion de fonds. La gestion des fonds se faisaient au vu et au su de tout le monde. Moi je suis un ancien fonctionnaire de l’Etat béninois, j’ai servi la préfecture du Zou où j’ai fait le secrétariat et le service financier et où surtout j’étais à l’apurement et mandatement, donc je savais comment gérer chaque chose.
Donc, vous étiez prévoyant ?
Oui, naturellement, le Bénin toujours été cité en exemple au niveau de la gestion du football
Et pourquoi aujourd’hui, Moucharaf Anjorin ne fait pas l’unanimité à votre avis ?
Pour moi, le problème ce n’est pas Anjorin, je vais vous surprendre, vous avez vu que le ministre a écrit et a envoyé des gendarmes et des militaires en faisant injonction. C’est une injonction au secrétaire exécutif de la FBF, au directeur administratif. Je ne dis pas que le secrétaire et le directeur ne sont pas dans leurs rôles, mais je pense que le ministre est allé trop vite en besogne. La FIFA n’aime pas ça. Ce n’est pas le rôle du ministre qui ne représente que l’Etat en matière de gestion du football. Que ce qu’il dit soit conforme ou pas aux textes, il doit limiter ses pouvoirs dès que la FIFA s’intéresse au dossier et a pris des initiatives pour son règlement. Il faut lire la lettre qu’il a envoyée à Bernard, dès que la FIFA va prendre des décisions on va dire que ce sont les magouilles d’Anjorin, de ci et ça.
Vous, on vous a vu partir avec les honneurs, vous auriez pu vous accrocher au poste et y rester longtemps, pourquoi vous n’avez pas fait ça ?
Je n’ai pas besoin de le faire parce que je sais qu’a ce niveau, ma mission était terminée. J’ai promis amener l’équipe à la CAN Tunisie et/ou aux compositions internationales de catégories d’âges juniors ou cadets, je l’ai fait. Pour avoir fait ça je pense avoir fait l’essentiel. Maintenant il fallait que les camarades me laissent un mandat pour mettre en place les structures de formation. Ils ne l’ont pas fait, la preuve ils n’ont pas évolués jusque-là.
Et là, vous aviez reçu un coup ?
J’ai reçu un coup, et je le leur ai dit et c’est ça qui me fait mal. Le fait qu’on ait des bâtiments, des centres, des stades et que personne ne les utilise, à Abomey comme à Missérété, ça me fait mal et c’est bien dommage.
A votre avis, le retrait de Sébastien Ajavon est-ce que ça pourrait porter un coup au bon déroulement des activités ?
De toutes les façons Ajavon, c’est un homme d’affaire qui sait de quoi il parle. Mais il ne peut pas avoir le retour de ses investissements tout de suite, on a besoin d’un homme comme lui qui aime le football et qui est un homme averti du domaine.
Aujourd’hui, en observant les nouveaux textes qui sont pris surtout la mise en place d’un nouveau bureau par Anjorin, est-ce que cela pourrait régler le problème ?
Je vais vous surprendre, Anjorin suit encore les textes, il n’a rien inventé. Mais ce n’est pas maintenant qu’il devait le faire, c’est un bureau dégarni car sur 12 lorsque 8 personnes démissionnent, vous n’existez plus. Vous devriez reprendre la procédure. En tant que membre de l’association, il est mon chef désormais donc je respecte ses décisions. Si c’est la méthode pour réussir, je ne sais pas mais je dis que la méthode est mauvaise.
Monsieur le président, on connaît vos relations avec la CAF et la FIFA et ce que vous êtes au sein de ces institutions aujourd’hui, selon vous, quelle pourrait être l’issue de la crise ?
Je ne suis pas Dieu pour prédire l’avenir, ça dépend de l’appréciation de la Fifa et de la Caf mais ce que je sais…est difficile à dire.
Là, vous nous cachez des choses, Monsieur le président ?
Non, mais je sais que c’est le B énin qui perd dans tout cela. Je dis et je le répète le Bénin n’a pas encore une équipe digne du nom. Du retour de la Can et de la coupe du monde, on devait enclencher une bonne équipe sénior pour continuer le développement à la base. Mais on a rompu et c’est Ajavon qui nous fait ce travail avec ses sous. Je vais vous surprendre, j’ai été le premier que Ajavon a emmené sur le chantier de construction du Cifas. Aujourd’hui voila ce que ça devient, c’est dommage.
Certaines personnes doutent de l’intégrité des émissaires que la Fifa délègue dans ces cas ?
En tous cas, je dis que la Fifa ne peut pas sanctionner pour ça. Elle pourrait le faire si le Bénin se permet de cautionner les ordres du ministre en prenant des statuts, en maintenant des membres du bureau ; notre football sera alors pour le Bénin seul mais par contre si le ministre écoute les recommandations du ministre, la Fifa peut revenir et confirmer les décisions du ministre mais dès qu’elle s’est annoncée elle règlera le problème pacifiquement avec les autorités du ministère à son arrivée.
Donc, le football sera au calme jusqu’à l’arrivée des émissaires de la Fifa ?
Oui, le football sera au calme, seulement le ministre peut prendre des dispositions pour assurer la sécurité à la fédération en fermant les locaux comme il l’a fait. Mais il n’a pas le droit de s’impliquer dans la révision des textes et du fonctionnement du bureau. Il y a un Directeur exécutif qui peut jouer le rôle d’abord au niveau de la fédération.
Mais, il a été limogé par le président, est-ce qu’il peut encore exercer ?
Il doit exercer. La Fifa n’a pas encore validé les observations faites par le président dans sa lettre. A Abidjan (ndlr : avant les élections de 2009) Ajavon avait promis œuvrer pour révolutionner le football béninois aux côtés du président Anjorin en aidant les clubs. Aujourd’hui quelle garantie voulez-vous qu’il ait pour le retour de son investissement. Moi, je ne sais pas…tout mon souhait, c’est que le ministre ne se mêle pas de cette affaire.
Monsieur le président, nous sommes à la fin de l’année, quels bilan faites-vous du football béninois ?
C’est la manière avec laquelle les choses se sont passées auparavant qui expliquent l’état actuel de notre football, je suis heureux que Ajavon ait compris, approchez-le et demander lui s’il a compris mon message d’entre-temps. A la fin de cette crise, nous devons nous retrouver pour reconstruire notre football. Je me rappelle que le président Ajavon m’a invité au PLM Alédjo, tous les acteurs étaient là, nous avons élaboré un document, et les gens ont voulu tout de suite instauré une bataille contre Anjorin en lui demandant de quitter les affaires, hors c’est lui qui a eu la bonne idée de rassembler tout le monde pour réfléchir ensemble. De ce pont de vue, je pense qu’on ne va pas faire à tout moment des conférences pour réussir le football.
Quel homme il faut pour remettre le football béninois sur les rails en lieu et place de Sébastien Ajavon ?
Monsieur Ajavon est le président du patronat, il n’est pas obligé de faire ce qu’il fait mais c’est son rôle en tant que président du patronat et il doit le faire. Je me demande pourquoi nous sommes pressés, les acteurs du football se décideront eux-mêmes, ceux qui aiment et peuvent faire. Seulement, il faudra les accompagner et les laisser travailler librement.
Pour vous, quel rôle revient au chef de l’Etat dans la crise ?
Le chef de l’Etat n’a rien à faire, même le ministre n’a rien à faire seulement il peut assurer la sécurité des lieux de rencontre. La fédération à des textes approuvés par la Fifa il suffit de les utiliser pour résoudre la crise.
(Source : Sabin Loumèdjinon, La Nation)