Soulier d’or béninois pour la deuxième année consécutive lors des Bjfoot Awards, Michael Poté nous accordé un entretien exclusif. Auteur d’un doublé, le week-end dernier avec l’Adana Demirspor en deuxième division turque, l’attaquant international béninois s’est ouvert à nous sur sa situation, en club, ses choix de carrière, son académie et les Ecureuils. Entretien.
Vous avez fêté la conservation votre « soulier d’or » béninois lors de l’annonce des vainqueurs des Bjfoot Awards cette semaine avec un doublé…
Ouais ça fait toujours plaisir d’avoir un titre. Après ça s’est bien passé ce week-end, je suis un peu dans la continuité de l’année dernière. Je continue. Le club me fait confiance. Je suis passé capitaine cette année. Je continue à travailler sereinement et à être le plus efficace possible.
Avec dix buts en vingt journées, vous faites une saison plus difficile que la précédente ?
Dire que je fais une saison plus difficile que l’année dernière ? Oui. Après au niveau statistique certes en vingt journées j’ai joué seize ou dix-sept (ndlr : dix-huit exactement) avec dix buts donc le ratio est intéressant. Sinon en termes d’équipe, on a fait six mois un peu compliqués. Malgré un classement en milieu de tableau, on est l’équipe qui a le moins perdu avec beaucoup de matches nuls (Ndlr : 11 nuls ) en poche. En ce qui me concerne statistiquement, je reste sur trente-deux ou trente-trois buts en deux saisons, je continue, je ne vais pas m’arrêter là. Donc c’est intéressant, c’est satisfaisant.
L’Adana Demirspor a lutté pour la promotion la saison écoulée mais cette saison vous êtes 8e en milieu de tableau, l’échec de la saison dernière pèse-t-il encore dans vos têtes ?
Au niveau de la direction peut-être mais au niveau des joueurs, non. Parce que la plus part des joueurs sont partis. Ça été un changement total. A part la direction qui est toujours la même. Après c’est toujours compliqué de bisser une saison qui se passe pour le mieux. On a fait six mois compliqués avec un effectif chamboulé. Mais là on a fait des recrues intéressantes et ils ont stabilisé un joueur à toutes les lignes et ça a étoffé un peu le groupe. Les recrues ont comblé ce qui nous manquait.
Qu’est ce qu’il vous manque collectivement pour davantage faire la différence ?
Offensivement on était un peu limité. On était un peu dépendant à ce que je fasse des exploits mais c’est comme on dit je ne peux pas prendre le ballon et dribler tout le monde. C’était un peu compliqué. Maintenant il y a eu des apports offensifs qui non seulement ça me soulage un peu, ça donne un peu plus de solutions à l’équipe. Parce que quand on jouait contre nous, c’était assez basique parce que les défenseurs étaient focalisés sur moi et on n’avait pas cette deuxième solution pour se servir de moi pour être efficace. C’est ce qui nous a fait un peu défaut ces six premiers mois. Comme j’ai dis avec les recrues c’est beaucoup plus intéressant.
« Le club ne m’a pas trop laissé le choix »
Vous avez prolongé votre contrat l’été dernier, vous pensez à un départ au cas où Demirspor n’arrivera pas à monter en fin de saison ?
En ce qui concerne mon contrat il y a eu un malentendu. Je n’ai pas prolongé. J’ai décidé de rester, pas que j’ai décidé c’est que le club ne m’a pas trop laissé le choix aussi. J’avais de fortes demandes mais le club demandait beaucoup et il me restait encore un an de contrat. Donc cette année je serai en fin de contrat donc je verrai à la fin de la saison ce que je ferai. Dieu merci j’ai encore des clubs intéressants qui s’intéressent à moi que ce soit en Turquie ou à l’étranger. Donc j’attends jusqu’à la fin de saison ce qui peut se passer. Tout est encore possible donc je ne me prends trop la tête par rapport à ça. Certes, la proposition a été faite mais je n’ai pas prolongé et je suis en fin de contrat.
En sélection vous avez manqué le wagon de la Can 2017 in extremis, avec du recul comment analysez-vous cette situation ?
On a loupé la Can. Franchement ça été une grosse déception. Surtout que c’était à notre portée, Dieu en a voulu autrement. Ce n’est que partie remise. On aura l’occasion de se rattraper. De voir les autres équipes jouer à la Can sachant qu’on était tout proche ça faisait bizarre. Ça fait partie des choses qui se passent dans une carrière dans le football. Il faut se servir de ça pour essayer d’être plus fort les prochaines fois.
En club vous êtes utilisé dans l’axe de l’attaque en sélection un peu moins, c’est un repositionnement que vous vivez un peu mal et qui déteint sur votre efficacité avec les Ecureuils ?
Vous avez tout dit dans la question. C’est sûr que j’ai joué sur le côté comme on dit pour dépanner. Les statistiques ne m’intéressent pas en équipe nationale sinon je n’aurai jamais accepté de jouer sur le côté. Mais je le fais parce que je sais que je peux aider et c’est aussi par un défaut d’effectif et je savais que je pouvais apporter ma pierre à l’édifice à ce poste et à ce moment là. Maintenant on a beaucoup plus de choix. En ce qui me concerne mon poste de prédilection c’est attaquant de pointe je l’ai toujours été. En club j’ai joué sur le côté mais c’était pareil mais arrivé à un moment chasser le naturel il revient aux galops. Quand on a une certaine caractéristique, une certaine capacité qui se dégage plus l’autre. Il faut savoir s’en servir à bon escient. Mes caractéristiques, je suis un joueur de profondeur de surface, un joueur d’axe. Après au niveau de l’efficacité de l’équipe nationale si je regarde mes statistiques, ça peut paraître étrange mais ça ne me touche pas trop donc les gens savent pourquoi c’est ainsi. Si demain le sélectionneur me rappelle et me dis de jouer latéral droit ou autre, décide que je peux apporter à ce poste, je le ferai sans hésiter.
A 32 ans comment envisagez-vous votre avenir avec les Ecureuils, vous avez pensé à arrêter après Bamako ?
Je suis toujours sélectionnable, je suis toujours performant en club. Tant que je le serai, tant que la sélection aura besoin de moi je serai présent. Je suis en bonne santé. Si je dois arrêter ce ne sera certainement pas après un échec, ce n’est pas dans ma mentalité. Tant qu’on m’appellera je répondrai présent ça c’est clair et net.
« Mon académie c’est ma fierté »
Après une expérience pas très heureuse à Nice en Ligue 1, vous avez fait votre trou en Allemagne, en Chypre puis en Turquie, comment expliquez-vous cette réussite dans les championnats étrangers à celui où vous avez été formé ?
Le foot c’est une question de trajectoire. Quand j’étais à Nice il me restait encore un an de contrat. Je me rappelle à l’époque Eric Roy (le directeur sportif) m’a dit que je ne sais pas si tu joueras cette année etc. c’est à toi de voir. J’aurai pu rester et finir mon année. J’ai décidé de voire autre chose. Je voulais vraiment changer et puis j’ai eu l’opportunité d’aller en Allemagne. C’est un championnat qui m’attirait. Aussi j’ai eu un parcours atypique, je suis venu un peu tard dans le foot. J’ai été formé certes en France mais j’intègre le centre de formation à seize ans contrairement à d’autres. A seize ans il y avait une certaine base que je n’avais pas. Donc à ce moment je n’étais pas si spécialement prêt pour évoluer et être performant tout de suite en Ligue 1. J’ai été prêté en Ligue 2 au Mans. ça m’a vraiment fait du bien je suis revenu avec d’autres intentions même si on avait un groupe assez relevé avec beaucoup d’internationaux notamment David Ospina , Loic Rémy. Ce n’était pas évident pour moi aussi, venant de la deuxième division. C’est un choix de carrière. Je ne vais pas dire que je n’aurai pas pu réussir en France, je pense que j’ai fais mon petit trou. Même si ce n’était pas forcement en première division, le peu de matches que j’ai fais j’ai marqué deux buts. J’ai fais deux trois prestations intéressantes. A l’étranger en Allemagne ça m’a plu, en Chypre ? je n’aurai pu jamais penser que j’aurai joué là-bas. Mais c’était une de mes plus belles années. Parce que j’ai joué la coupe d’Europe, j’ai joué contre le Dinamo Moscou, contre des joueurs comme Mathieu Valbuena , William Vainqueur. C’était vraiment une bonne expérience. Ça m’a plu de jouer aussi au haut niveau . C’est une question de trajectoire, on ne choisit pas forcement sa destinée. Seul Dieu sait. Je suis content du petit bout de carrière que j’ai effectué.
Aujourd’hui Nice fait une saison incroyable en Ligue 1, vous suivez toujours le club ou vos amis qui sont restés ?
Je suis encore en contact avec le staff niçois. Je les suis et les félicitent. En même temps je ne suis pas étonné. Quand je suis parti, le président Rivière venait d’arriver. J’ai vu quelqu’un de vraiment ambitieux. Et même quand je suis parti en Allemagne, le directeur sportif avait dit qu’il « regrettait » de ne m’avoir pas conservé pour avoir au moins essayé. Parce qu’ils avaient vu ce que j’avais fait par la suite et ça leur avait fait plaisir. Vraiment j’ai quitté de bonnes personnes. C’est pour ça que je ne suis pas trop étonné de ce qu’ils font. Je pense que c’est un club qui a beaucoup d’avenir.
Depuis quelques années vous avez mis en place une académie qui porte le nom de votre paternel à Cotonou, racontez-nous l’histoire l’Académie Poté Joseph…
C’est une petite fierté. Depuis mon plus jeune âge j’ai toujours voulu être en place. J’ai toujours été attiré parce que ce qui est formation, encadrement des jeunes. Quand je suis arrivé au Bénin j’ai vu qu’il y avait quelque chose à faire. Pour faire ça il faut être passionné, ça demande du temps. On a plus de quarante gamins, onze employés qui travaillent etc. C’est toute une chaîne ce n’est pas quelque chose qui est fait comme ça. Mais c’est un plaisir c’est un kiff et une fierté aussi. On n’a d’excellents joueurs. Il y a beaucoup de joueurs qu’on a repéré qui jouaient dans les rues, qui étaient dans des conditions un peu plus difficiles. On a voulu leur donner un coup de main. Je dis bien « on » parce que c’est vraiment un travail d’équipe. Je suis content de ce que ce que l’APJ est et sera. Donner la chance à des gamins qui ont un potentiel, on leur tend la main. On essaye d’amener des conditions tout en ayant une ligne de conduite, une humilité. Ce n’est pas parce qu’ils sont déjà dans l’académie que ça veut dire qu’ils vont réussir. En premier lieu on essaye de faire d’eux des hommes. Et ça marche même au niveau scolaire on a de très bons résultats, et au niveau du football ça suit aussi. Tout doucement ça prend forme. On a des projets, c’est notre avenir, c’est l’avenir du Bénin aussi. C’est des jeunes qui demain nous remplaceront et j’espère que ça portera ces fruits. Quoiqu’il arrive on est fier de ce qu’on a déjà produit.
Enfin vous avez suivi la Can 2017, si vous devez jetez un regard sur la compétition ?
J’ai beaucoup aimé le Cameroun. Bravo. Je pense qu’avec l’effectif avec lequel ils ont participé à cette Can, pas beaucoup de gens auraient parié sur eux. Comme quoi le plus important dans le foot c’est le collectif, ça reflète ça. Ce qu’ils avaient ce n’était pas des individualités mais un collectif. C’est ce qui a payé. C’est une bonne leçon pour le foot africain et en général. Le collectif paiera toujours. J’espère que nous aussi on pourra participer à la prochaine Can , on a un effectif qui n’est pas mal avec un mix de joueurs d’expérience et une nouvelle génération qui arrivent donc on a toutes les armes maintenant en espérant que tout suive.
Entretien réalisé par Géraud Viwami
merci Poté pour tout ce que tu fais pour le Bénin. et je suis sur qu’un jour le Benin aussi pourra soulever ce trophée continental qui est la CAN
Très bien Poté. Mon souhait est que vous et d’autres joueurs s’associent pour créer un véritable centre de formation international digne du nom, à l’image de celui de l’à sec d’Abidjan ou Diambars du Sénégal. Sinon on note la fleuraison de petits centres de formation limités en moyens techniques comme financiers. Ensemble on est fort dit-on. Merci