Au cœur du mal-être du football béninois…Qui finance et qui en profite?
Le football béninois, malgré l’argent de l’Etat et des sponsors, malgré les efforts de bonnes volontés qui aiment le sport-roi, piétine et est englué souvent dans les question de gestion non transparente et de luttes intestines à la fédération A cela, il faut ajouter, l’intrusion tyrannique et protectrice de certains hommes par la FIFA, les incohérences d’intérêts de ceux qui dirigent le football au détriment du progrès des clubs et des joueurs. L’argent et le pouvoir, affolent les esprits des dirigeants, alors que le football béninois a plus que jamais besoin de financement adapté, des hommes compétents, soucieux avant tout de la modernisation, de la rationalisation et de la moralisation du secteur. Au cœur du mal-être du football béninois…
La Ligue du football pro, les subventions et l’endettement
Faire du football professionnel avec une élite réduite (10 ou 12 clubs vue la taille et les moyens), c’est le vœu de la Fifa qui entend rendre rémunérateur et mieux organisé le football en Afrique. Le Bénin, dans cette droite ligne s’est lancé en 2009. L’Etat a créé le cadre en imposant 50 millions (80 mille euros) comme caution bancaire aux clubs de Ligue1, et 30 millions de francs Cfa (50 mille euros) aux clubs de Ligue2. La machine est lancée avec un mécénat prononcé. Sébastien Ajavon a pris la tête de la ligue du football professionnel avec pour ambition la recherche de sponsors et la viabilisation des clubs. Après une saison et 3 quarts. Nous nous sommes procuré des chiffres. Et tout le monde sait qu’en général au Bénin, c’est compliqué d’avoir de vrais chiffres !
Première saison (dépenses et recettes)
Dépenses
Subventions directes aux clubs de Ligue1
14 x 15 millions par clubs de Ligue1 (3 clubs ayant eu 25 millions) = 240 millions F.cfa
Les fonds alloués aux clubs de Ligue2 sont indisponibles
Ortb / Production et diffusion des matches
48 millions de francs Cfa
Apport de la Fédération et du sponsor officiel
Fbf (arbitres et officiels): 44 millions
Sponsor – Moov : 125 millions
Dette : 119 millions fcfa
A la fin de la saison, le bilan certifié après un audit interne a été voté à l’unanimité par tous les clubs.
Deuxième saison (en cours)
Nous nous sommes procuré des chiffres que les clubs eux-mêmes n’ont pas encore.
Apports (Fbf, Moov, Cajaf) = 220 millions fcfa
Sponsor-Moov : 140 millions
(Payés en deux tranches – Reste : 60 millions pour la Ligue1 et 70 millions pour la Ligue2)
Cajaf Comon : 50 millions
Fbf : 30 millions
(Une baisse de 31% par rapport à la première saison)
Dépenses (273millions environs)
Subventions directes aux clubs de Ligue1
14 clubs x 8 millions = 112 millions fcfa (- 10 millions pour 2 clubs)
Les Dragons ayant porté des maillots non-officiels a reçu une pénalité et s’est donc refusé de toucher les subventions.
Tonnerres Fc ayant eu des sanctions la saison écoulée suite aux échauffourées sur le stade de Bohicon face à Soleil a refusé de toucher les subventions. Ceci par peur de se voir déflaquer les amendes.
Subventions directes aux clubs de Ligue2
12 clubs x 5 millions = 60 millions fcfa
Ortb = 12.millions500mille
2 jeux de maillots par clubs de Ligue2
12millions140mille
Frais d’organisation des matches
5millions100 mille x 17 journées = 86 millions700mille
Dette : 52 millions
Quelques indications
Ce point n’intègre pas la pose des grilles de sécurité sur les stades de René Pleven à Cotonou, Goho à Abomey, Stade municipal de Djougou et stade de Parakou.
Les rémunérations : le directeur administratif selon nos sources reçoit des indemnités pour les déplacements et la communication (environ 500 mille francs cfa par mois). Trois autres membres du conseil de gestion reçoivent chacun la moitié de ce montant. Is sont employés à plein temps.
Le fonctionnement mensuel de la Ligue étant de 4 millions f.cfa, autant dire que l’activité est menée à perte pour le moment…
Peut-on financer le football professionnel avec des subventions ?
Mécène, sponsoring (merchandising), subventions de l’Etat, des instances faîtières et transferts de joueurs. Voilà les sources principales de financement des nouvelles entreprises qui se créent peu à peu dans les pays en voie de développement. La jeunesse fait 65% et on aurait tort de croire que le football ne peut pas être rentable. Sa popularité même est sa première source de rentabilité.
Mais dans un pays où l’argent public a tourné la tête à la majorité des acteurs du football, avoir un club devient une occasion de penser vivre au crochet des subventions destinées aux joueurs. Même les clubs soutenus par des hommes d’affaires apparemment aisés se laissent aller à ce mode de pensée. Les subventions sont en général inférieures à 20% des budgets dans le meilleur des cas.
L’Etat entre la bulle « Ecureuils » et le financement des emplois locaux
Le championnat était inexistant au début des années 2000 quand Mathieu Kérékou et son gouvernement ont compris que le football méritait une attention. Que s’est-il donc passé ? Les fonds destinés au sport sont allés directement vers l’entretien de la bulle « Ecureuils » naissante. Les trois glorieuses ont suivi : première participation à la Coupe des nations (2004), organisation et médaille de bronze de la Can juniors (2005) et coupe du monde juniors aux Pays-Bas (2005). Depuis, Kérékou a cédé le pouvoir à Yayi et l’Etat a poursuivi ses folles dépenses au nom de la diplomatie ! 10 milliards de francs Cfa (15 millions d’euros) en 5 ans. Même l’Etat français n’a pas mis autant dans les Bleus.
Pendant ce temps, 9 ans sont passés sans que l’Etat n’investisse le moindre franc dans l’animation interne du football. Les clubs et les joueurs sont donc devenus des instruments orientés vers la bulle « Ecureuils ». Les réseaux se sont développés pour assurer aux joueurs locaux la promotion en maillot jaune de la sélection, seul moyen de glaner quelques sous.
Aujourd’hui, la crise met à nues les pratiques peu orthodoxes. Les affaires éclatent et le football interne, entre-temps organisé en Ligue professionnelle devient une entité dont la voix porte.
L’Etat ne peut plus continuer à faire semblant d’ignorer les employés du foot local au profit des expatriés-ambassadeurs majoritairement surévalués du point de vue du talent.
Quand les clubs professionnels roulent à perte faute d’organisation…
On peut être homme politique sans avoir appris la politique dans une université. L’instinct guide et parfois peut perdre. Dans le football professionnel, la passion et l’argent dont disposent les présidents de clubs font des merveilles dans bien des cas, tout en montrant leurs limites dans d’autres. Les structures sont à mettre en place et l’organisation à améliorer.
Passage du statut d’association à celui de société
Des amis se mettent ensemble et décident de créer ou de gérer un club existant. Ils y mettent leurs économies, pour le plaisir. Ce schéma est vieux et dépassé dans le contexte actuel. Le passage au professionnalisme demandé et puis exigé par la Fifa en Afrique oblige les amoureux du football de voir les choses autrement. Les clubs dans leurs anciens schémas ont donc quelques années, 5 au plus pour devenir de vraies sociétés. Ceci obligerait les membres des bureaux directeurs à comprendre que les recrutements fantaisistes de joueurs sans talents et donc non rentables à terme sont des opérations ruineuses.
Même dans un petit pays aux ressources limitées comme le Bénin, les clubs peuvent être professionnels, car le tissu économique est suffisant. Il reste le cadre légal à améliorer, et les mentalités à réformer pour y arriver.
Mécènes, sponsors et la logique de rentabilité
Roman Abramovic est à Chelsea ce que feu Robert-Louis Dreyfus était à L’Olympique de Marseille : un mécène. Ce sont des mécènes certainement comblés la plupart du temps, car ces clubs remportent des titres et sont populaires. Au Bénin, Valère Glèlè, Mathurin De Chacus et bien d’autres prennent le risque de devenir président de clubs non rentables, car mal gérés et surtout non sponsorisés. Le mécène en arrivant dans le sport ne saurait être un bailleur éternel. Au fil des années et des dépenses, les millions engloutis font mal et parfois le mécène se découvre d’autres talents dans le football. On a connu le cas de Séfou Fagbohoun qui dans les années 1980 avait porté très haut les Dragons avant de s’éclipser, refusant toute ambition politique dans le football.
L’étape du mécénat doit être dépassée au bout d’un certain nombre d’années pour passer à un stade mixte mécénat-sponsoring. Et enfin au niveau professionnel pur et simple. En dehors des clubs Aspac et Mogas appartenant à de grandes sociétés d’Etat, et ayant donc un sponsor-titre fixe, Tonnerres Fc de Bohicon semblait sur la bonne voie. En termes de régularité au niveau des résultats, le club du Centre du pays, avait le vent en poupe. Mais le cap des infrastructures, des structures, du sponsoring et des transferts internationaux n’a pas vraiment été passé. C’est là où le football peut devenir une activité bien ruineuse.
La logique de rentabilité est liée au sponsoring et surtout au placement en Europe de joueurs de talents détectés en amont. Ceci implique un projet sportif qui au Bénin met du retard au niveau des différents clubs.
Structures unipersonnelles et absence de politique de recrutement
La plupart des clubs sont financés par un petit groupe de personnes qui tirent leurs fonds d’activités non liées au football. De fait, ces personnes deviennent les « demi-dieux » autour desquels gravitent des courtisans. Ces derniers souvent sans emplois décents ou à rémunération correcte, se donnent corps et âmes pour la gestion quotidienne des clubs. Malheureusement, ce schéma de gestion des clubs professionnels ne respecte pas les exigences de structures professionnelles tout court, encore moins de structures de clubs professionnels.
On constate trois niveaux différents dans la gestion des clubs au Bénin. Les bailleurs. Les administratifs et les courtisans. Et enfin les techniciens. Ces derniers sont souvent exposés au bon vouloir des seconds qui sont essentiels dans leur recrutement. C’est la source des conflits dans les systèmes où l’entraîneur n’est pas le patron des recrutements. Ce faisant, les politiques de recrutement ne sont pas définies, ce qui amène le club à perdre beaucoup de bons éléments d’une saison à l’autre. Illustrons cela par le cas des Dragons qui à la fin de la saison dernière ont dû perdre quelques 5 internationaux, sans compter les autres bons joueurs laissés sur le carreau. Le club a manqué évidemment de suivi au plan technique et les investissements deviennent des dépenses à perte. Le coach belge recruté a filé à l’anglaise en début de saison et emporté avec lui les espoirs de transferts des meilleurs du club.
C’est en cela qu’on se pose des questions sur les différentes formations initiées par la Fifa. Elles sont souvent à l’endroit des présidents de clubs souvent peu compétents au départ pour gérer des clubs. Les vrais gestionnaires des clubs étant souvent laissés sur le carreau dans le cadre de ces formations. Au bout du rouleau, les pratiques changent peu malgré les formations. Les rôles sont souvent peu définis.
Le football professionnel ne saurait se bâtir sur des subventions publiques ou associatives. Il est une entreprise qui se gère comme toutes les autres. En Afrique noire, c’est encore difficile de le penser et le réaliser. Le chemin est long. Bien long.
Quid des cellules de recrutement ?
Les coachs qui coupent les salaires des joueurs, les dirigeants qui recrutent les plus offrants. La base technique des recrutements dans nos clubs professionnels est faussée. Les cellules de recrutement n’existent pas vraiment, car les courtisans sont nombreux autour du club. Du coup, les transferts ou arrivées de joueurs peu fructueux sont légions.
Le système se retrouve pris à son propre piège. Les dirigeants se surprennent que leurs joueurs ne « voyagent pas en Europe » comme ça se dit souvent. Les raisons sont là. Têtues. La mauvaise gestion des recrutements et de la détection est incompatible avec le haut niveau européen.