(Sanctions contre 6 dirigeants africains)
Nos hommes de football seraient-ils des voyous comme pourrait l’indiquer le récent scandale qui a éclaboussé la FIFA ? Que certains le soient est une vérité connue de tous. Mais ils ne sont pas les seuls. L’appétit de pouvoir suppose une cassette pleine pour mieux acheter les consciences, les votes, pour dominer ceux qui sont démunis de tout et qui, à leurs yeux, doivent le rester. Dès lors il n’y a pas de raison que le football soit épargné car, hyper populaire, il propulse au devant de la scène des dirigeants pour une bonne partie d’entre eux ignorants tout des règles de ce sport mais en quête de reconnaissance publique.
Sur le continent, le football est un domaine où le pourcentage d’anciens footballeurs à la tête des fédérations est faible. Les hommes d’affaires sont les plus nombreux. Au cœur des systèmes nationaux, ils progressent au fil des années, grâce aux cooptations et réseaux qui les emmènent jusqu’à la confédération puis à la fédération internationale. Ce sont comme des députés de leurs pays respectifs, au service de leur football, mais surtout d’un système. Des clubs de quartier jusqu’au comité exécutif de la Fifa, ils franchissent les étapes pour se retrouver dans le cercle de décision. Le mal et la gangrène font donc du chemin.
Les institutions sportives internationales sont de vastes coteries au sein desquelles il s’agit de plaire au président et de se taire pour ne pas attirer son attention sur des sujets, des questions qui auraient l’heur de lui déplaire. Nous sommes dans un royaume féodal entre le roi et les courtisans. Chacun des affidés cherchent à préserver ses privilèges et à rester le plus longtemps possible sur sa chaise. Si problème il y a, il ne faut surtout pas parler même à demi-mot. La règle est de laver son linge sale en famille. C’est le propre de toute famille bien organisée.
Depuis longtemps, l’argent n’a cessé de gangrener le monde du football. Et quand le pot-aux-roses est brusquement découvert on fait mine de tomber des nues et on sanctionne les coupables, piégés cette fois, pour deux d’entre eux, par des organes de presse qui leur a tendu un guet-apens. Pour un corrompu ou plus exactement pour un corruptible potentiel, combien d’autres passeront entre les mailles d’un filet qui, curieusement, se resserre toujours sur les ressortissants des pays pauvres.
Les sanctions prononcées aujourd’hui le sont parce que des tentatives, des approches de corruption ont été faites par des médias. Sinon, on en aurait rien su. La Fifa elle-même a souvent lavé son linge sale en interne. On comprend. C’est le propre de toute « famille».
Mais les années passant, le « gouvernement mondial » du football est exposé et victime du succès de sa principale activité : la coupe du monde. Les enjeux augmentent et les intérêts de grands groupes financiers mettent en vedette des membres de la Fifa. Les plus vulnérables viennent des pays pauvres. Ou plutôt c’est ce qu’on laisse transparaître dans ce feuilleton. L’Afrique est en première ligne. Corruptibles, parce que pauvres. Les dirigeants les plus respectés du continent ont maintenant prouvé qu’ils sont faillibles face à toute tentation, peut-être comme bien d’autres d’Europe ou d’ailleurs.
La Fifa peut aujourd’hui se remettre en cause et remettre en cause ses systèmes de désignation et surtout de gestion du football dans les pays pauvres. Les cas de mauvaises gestions des fonds publics et des subventions de la Fifa sont souvent dénoncés par des Etats. La Fifa a toujours protesté et protégé ses « amis » en bravant les sanctions. L’argent de la Fifa est souvent mal géré en Afrique par des présidents superpuissants, car jamais inquiétés, puisqu’électeurs. L’impression d’invulnérabilité part de là. La corruptibilité des représentants africains en ce qui concerne les coupes du monde 2018 et 2022 n’est que la résultante de pratiques tolérées par la Fifa en Afrique.
Si son image est aujourd’hui écorchée par cette affaire de tentative de corruption à grande échelle, la Fifa ne peut s’en prendre qu’à elle-même. Au final, c’est une fois encore un nettoyage sur fond de règlement de comptes entre le président de la Fifa et celui de la Caf. L’étape suivante est attendue.
L’Afrique encore une fois sévèrement mise en accusation aurait-elle une sorte de monopole de la corruption ? Certainement pas comme certaines affaires à caractère strictement politique sont en train de le démontrer en France. Mais l’Afrique est victime de sa pauvreté et de la voracité de ceux qui, déjà riches, souhaitent le devenir davantage. Leur problème, c’est qu’ils ne peuvent s’empêcher d’étaler leur standing car il leur confère le pouvoir.
Aubay